Où l’on apprend qu’un cuir peut rester discret et agir en coulisses, sous le manteau

Par Samuel Douillet, le 12 mars 2021 – Article intégral sur https://auparfum.bynez.com/parfum-sous-le-manteau-cuir-d-orient-4983

CUIR D’ORIENT

Sous le manteau

Pâtisserie libertine

Olivia Bransbourg est la fondatrice d’ICONOfly, une revue explorant art, mode et histoire de manière transversale. Pas étrangère au monde des parfums non plus, elle lance en 2009 la collection Attache Moi, avant d’intégrer le poste de directrice artistique chez Takasago à New-York, jusqu’en 2015.
Puis, avec son profil multi-casquettes survolté, elle va jusqu’au bout de sa curiosité et de sa créativité et sort de son chapeau en 2016 un nouveau projet : celui de remettre au goût du jour d’anciennes recettes de parfum de séduction.
Le point de départ de Sous le manteau est un traité d’officine du XIXe siècle qu’elle déniche chez un antiquaire, et qui à travers de médiévaux philtres d’amour aphrodisiaques, propose un aller-retour documenté dans le jeu galant, “à l’ancienne”. Elle contacte Nathalie Feisthauer (L’Eau des merveilles, Putain des palaces) avec qui elle conçoit cinq parfums aux noms tantôt malicieux (Vapeurs diablotines) tantôt rétro (Poudre impériale), mais dont les atouts de séduction, plus ou moins dévoilés, demeurent toujours très présents.
Approchons-nous de Cuir d’Orient. Non, il ne s’agit pas d’un remake de Cuir Ottoman ou de Cuir Mauresque. On en est même loin. Ici le cuir se devine, se cache, et ne se livre qu’à travers de discrets murmures.
Une bergamote colorée et fugace explose en plein vol dans un nuage de notes poudrées, une brume chargée d’iris et d’héliotropine. Le style vintage de la maison ne se fait pas attendre et s’exprime clairement.
Bientôt, une somptueuse gousse de vanille s’invite, jouant de ses facettes coumarinées, et fait écho aux notes poudrées mais dans une palette de couleurs plus sombres. Par moments, on pourrait presque croire que Cuir d’Orient est un solinote travaillé autour de la fève tonka, mais c’est là que la note cuir choisit d’intervenir pour apporter sa pierre à l’édifice.
Mais quel cuir ? Ici, pas de notes fumées, ni de goudron de bouleau, ni de notes tirant vers le vert amer ou rêche. On est plutôt sur des matières de type Suederal, reproduisant un effet daim, afin de faire gonfler la vanille comme une levure, lui apportant volume, densité et texture. Le cuir se devine par une certaine épaisseur, renforcé ensuite par des notes baumées de benjoin et d’opoponax.
Bien loin des classiques du genre, donc, qu’il ne prétend en aucun cas évoquer, Cuir d’Orient se rapproche plus d’un Midnight in Paris (sans le thé !) ou d’un Cuir Beluga de Guerlain.
Qui se doutait que sous le manteau se cachait une pâtisserie libertine de luxe ?